Depuis de nombreuses années, les études comme celles de France Générosités ou Recherches & Solidarités montrent la préférence accrue des donateurs pour les causes dites « de proximité ». L’humanitaire est donc souvent délaissé au profit de l’aide sociale en France, de la recherche médicale, de l’aide aux personnes handicapées, etc.
Un écho à la formule de Jean Montalat en 1964, « La Corrèze avant le Zambèze » ? Un phénomène structurel en tout cas.
Ce « théorème » explique également des mobilisations plus fortes des donateurs lors de catastrophes touchant des régions ayant un lien historiquement fort avec la France (Haïti par exemple) que lors de crises humanitaires dans des zones moins proches, aussi bien politiquement, économiquement que culturellement (comme pour la Corne de l’Afrique*).
Une tendance inéluctable ? Pas si sûr…
Les ONG évoluent en adaptant leurs programmes aux problèmes qui apparaissent et/ou se déplacent. Certains concernent maintenant directement l’Europe. C’est notamment le cas des exilés à Calais. Si le problème n’est pas nouveau, la situation s’est fortement aggravée ces derniers mois. Ainsi, la semaine dernière, Médecins du Monde a lancé un emailing d’appel à don.
Médecins du Monde conclut :
« Votre don peut nous permettre de poursuivre ce dispositif d’urgence dans les prochaines semaines ; votre soutien régulier peut nous permettre de leur apporter des soins dans la durée. »
La question est donc posée : les donateurs français se mobiliseront-ils pour une urgence humanitaire sur le territoire français ? Cet appel aura-t-il l’écho de celui de l’Abbé Pierre en février 1954 ou, plus récemment, de celui des Enfants de Don Quichotte en 2006 ?
Cela ne sera pas simple car on retrouve ici plusieurs éléments pouvant freiner les dons, comme cela avait été le cas pour la Corne de l’Afrique en 2011*. LIMITE avait alors réalisé une étude* avec l’Ifop qui révélait que :
– 95% des Français étaient d’accord avec l’idée selon laquelle « dans cette région d’Afrique, la famine revient très régulièrement depuis de nombreuses années sans que l’action humanitaire ne résolve le problème car il faudrait des vraies réponses de fond, aux plans politique et économique ». Cette représentation d’un véritable « tonneau des Danaïdes » est aujourd’hui tout à fait transposable à la « question des migrants ».
– 87% des Français jugeaient que « face à une catastrophe humanitaire de cette ampleur, ce n’est pas à nous mais aux Etats et aux organisations comme l’ONU de venir en aide à ces populations ». Ce jugement est très important car il semble indiquer que l’opinion publique ne créditait pas les ONG d’une efficacité dans cette crise ; en sera-t-il de même avec les exilés dans le nord de la France ?
L’enjeu est donc pour les ONG, du point de vue de la communication en appui à la collecte de fonds, de raconter comment un programme s’inscrivant dans la durée peut apporter des solutions aux problèmes d’urgence qui se posent. 90% des Français interrogés en 2011* déclaraient que si des ONG menaient un programme qui conjugue aide d’urgence et action à long terme pour que ces situations ne se reproduisent pas, cela les inciterait à donner.
Une autre piste issue de l’étude réalisée par LIMITE en 2011* (et toujours d’actualité) repose sur la contribution des catégories les plus favorisées. 86% des anciens donateurs ne s’étant pas mobilisés pour la Corne de l’Afrique indiquaient que si des ONG « demandaient à des grandes entreprises ou à des personnalités fortunées de s’engager à donner autant que le grand public comme cela se fait dans d’autres pays », cela les motiverait à donner, 51% disaient même « beaucoup ».
À suivre…
__________