Le 4 février dernier, se sont tenues les deuxièmes Rencontres Internationales des Philanthropes co-organisées par la Fondation de France et Le Monde en partenariat avec BNP Paribas Banque Privée. Cette nouvelle édition, conçue cette année encore par LIMITE, a réuni près de 400 personnes autour du thème « La Philanthropie dans le monde : une affaire de familles ». Elle était également l’occasion d’une présentation en avant première du livre d’Anne-Claire Pache et Arthur Gautier de la Chaire Philanthropie de l’Essec sur le sujet.
Voici, en attendant les vidéos, quelques propos recueillis lors de cette matinée.
> Francis Charhon – directeur général de la Fondation de France :
« Depuis les premières Rencontres Internationales des Philanthropes, en septembre 2011, beaucoup de choses ont évolué : trois fois plus de participants, beaucoup plus de philanthropes prêts à témoigner, une internationalisation en marche qui devrait se confirmer pour la prochaine édition. Pour la Fondation de France, le développement d’une culture de la philanthropie est une source de satisfaction. »
> François Debiesse – président de la Fondation de l’Orangerie pour la Philanthropie individuelle :
« Ce sont mes clients qui m’ont fait découvrir l’importance de la philanthropie. […] La philanthropie est l’un des moyens de changer le monde pour le rendre plus juste. […] Chacun à notre mesure, devenons tous philanthropes ! »
> Arthur Gautier – délégué général de la Chaire Philanthropie de l’Essec
« Aux Etats-Unis, on compte 40.000 fondations familiales (des centaines de milliards d’euros) et au Royaume-Uni, 5.000 à 10.000 (20 milliards d’euros), alors qu’en France, elles sont environ 250 à 500 sur 3.500 fonds et fondations (avec 100 millions d’euros).
Les freins à la philanthropie familiale ? Des héritiers qui parfois ne veulent pas reprendre le flambeau ; un éparpillement dans le monde ; des héritiers pas d’accord entre eux ou avec la volonté initiale du fondateur. D’où l’importance d’avoir un objet le plus ouvert possible. »
> François Rebeyrol – fondateur et président du comité exécutif de la Fondation Agir sa Vie :
« A un moment donné, nous avons reçu des stock-options et, avec nos enfants, nous nous sommes dit : voulons-nous changer de vie ou changer le monde ? […] Nos enfants ont décidé eux-mêmes d’apporter une partie de leur argent dans la fondation, en plus des 40% que nous, les parents, avons mis : ça a été vraiment un projet à quatre. […] Cette création commune avec nos enfants, c’est quelque chose qui a apporté une dimension nouvelle à la relation que nous avions avec eux. Ca nous a sorti du cadre habituel pour constituer un projet commun. Permettre à chacun d’être lui-même et de se projeter dans le futur. La fondation est un sujet omniprésent… ou plutôt ses projets. […] Nous avons prévu de doter la fondation d’un patrimoine suffisant pour poursuivre jusqu’à la fin de la vie active de nos enfants, qui sont cofondateurs (soit 30 à 40 ans) : ainsi, l’outil restera, mais ce sera à nos enfants de trouver les moyens de poursuivre. »
> Cécile Pirzio Biroli – co-fondatrice du Fonds Elisabeth et Amélie sous égide Fondation Roi Baudouin :
« Le fait de discuter philanthropie est devenu un sujet de conversation entre tous les groupes familiaux, c’est un élément de cohésion familiale garantie. Nous discutons des projets, chaque année. Nous ne voulons pas léguer à nos enfants que des biens matériels mais la possibilité d’être généreux. Nos jeunes partent sur les programmes et s’impliquent ainsi dans cette nouvelle tradition familiale. […] Le langage de la philanthropie est un langage simple : avoir, partager, donner. »
> Alain Mérieux – président de la Fondation Mérieux :
« C’est à la mémoire de nos fils que nous avons décidé de créer notre fondation Christophe et Rodolphe sous l’égide de l’Institut de France. Dans les pays où nous intervenons, l’entreprise ne recherche aucun bénéfice de son mécénat, mais on reçoit beaucoup plus que ce qu’on apporte, sur le plan de l’humain, de l’énergie, etc. Quand je vais revenir d’Haïti la semaine prochaine, je vais avoir une niaque d’enfer que je vais perdre progressivement en fréquentant mon milieu habituel. »
« La tradition n’est pas l’ennemie, mais le support de l’audace. » – Charles Mérieux
> Anne-Claire Pache – professeur titulaire de la Chaire Philanthropie de l’Essec :
« La question de l’impact [de la philanthropie] est très centrée sur la fondation familiale, alors qu’il y aurait sans doute à mutualiser les efforts entre fondations familiales pour identifier les besoins d’un secteur et se répartir les rôles. L’autre enjeu est de savoir reconnaître quand sa philanthropie a échoué. »
> Mike de Giorgio – co-fondateur et directeur général de Greenhouse Charity :
« Il y a beaucoup de problèmes sociaux et la philanthropie doit répondre à ces besoins. Ma passion, c’est lutter contre le gaspillage énorme de la non réussite de notre jeunesse.
[…] Le sujet est de mesurer outcome (ce qu’on veut provoquer) et output (ce qu’on veut faire).
[…] Il faut gérer une fondation comme on gère une entreprise. Je m’intéresse toujours à l’argent, à bien le dépenser.
[…] Paiement au résultat (« social bound ») : un concept qui progresse, à l’initiative de Sir Ronald Cohen. L’Etat n’investit jamais sur la prévention des problèmes. Exemple des prisonniers : lorsqu’ils sortent, la philanthropie leur fournit un bon de réinsertion ; si leur réinsertion a réussi après deux ans, l’Etat rembourse pour réalimenter le fonds philanthropique.
[…] Nous sommes très fiers de toutes nos erreurs. Dans notre bilan des 10 ans de Greenhouse Charity, nous avons consacré plusieurs pages à nos erreurs. »
> Arianne de Rothschild – présidente des Fondations Edmond de Rothschild et de la Fondation Ariane de Rothschild :
« Au début, la philanthropie dans notre famille était une démarche religieuse. […] Notre famille considère qu’elle a un rôle social, compenser les manques de la société. […] Aujourd’hui on a une douzaine de fondations car chaque génération a ses propres sujets mais aussi la responsabilité de perpétuer la tradition familiale.
[…] Si mon beau-père voyait comment je gère les fondations, il serait horrifié, car pour lui le don était gratuit. Il ne demandait jamais de retour. L’argent partait « c’est notre rôle, c’est notre obligation ». Moi j’étais frustrée de ne pas savoir ce que devenait cet argent. Moi, j’ai une posture plus « dure ». C’est une évolution. […] Pour moi l’impact, c’est être plus inscrit dans une osmose avec le secteur aidé. Savoir aussi reconnaître quand n’on est pas bien. Etre plus actif.
[…] Il y a déjà 20 social bounds en Angleterre. Notre fondation les expérimente dans le domaine de l’éducation : le repaiement de l’aide philanthropique initiale par l’Etat se fait pour chaque élève qui n’a pas quitté le système au bout de deux ans. »
> Philippe Lagayette – président de la Fondation de France :
« Nous avons aujourd’hui entendu plusieurs « rôles-modèles » tel qu’il en existe dans d’autres pays, indispensables pour favoriser l’engagement de plus en plus de philanthropes.
[…] Ce développement dépend aussi de la stabilité fiscale, pour laquelle la Fondation de France se bat. […] Les aides fiscales ont un effet levier immense, car outre l’argent donné en plus de ce qui est déduit, les philanthropes s’investissent et apportent des savoir-faire et une expérience.
[…] L’Etat ne doit pas avoir le monopole de l’intérêt général. Il est essentiel que nous ayons aussi des moyens de développer des visions de l’intérêt général complémentaires de celle de l’Etat. Associer les plus riches est un élément fondamental de l’équilibre de notre société. Ne serait-ce qu’en investissant sur les actions de prévention. »
Pour aller plus loin :
> Revoir les vidéos des premières Rencontres Internationales des Philanthropes
> Retrouver ce qui s’est dit lors des troisièmes Assises de la Philanthropie, co-organisées avec LIMITE par l’Institut Pasteur et Le Monde le 9 avril 2013 : #1 et #2
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