La sortie d’un extrait du prochain album de Tryo, « Greenwashing », nous invite à revenir sur ce sujet, au cœur de la démarche de LIMITE, membre fondateur de l’Association pour une communication plus responsable. Parfois cynique, souvent critique, toujours militant, le groupe soulève des questions, qui interrogent les pratiques et la responsabilité des communicants… et des annonceurs.
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Ce n’est pas la première fois qu’une chanson aborde le thème : la Parisienne Libérée, bloggeuse militante, dénonçait déjà ces pratiques dans sa chanson « on va tout repeindre en vert ». Mais la notoriété de Tryo lui procure une visibilité nouvelle. Groupe phare de la jeunesse des années 2000, il a gardé une aura indéniable malgré une relative discrétion ces derniers temps.
A ce propos, il est intéressant de noter l’évolution de la stratégie de communication du groupe. Alors qu’au plus haut de son succès, ses clips passaient en boucle sur MTV, Tryo a choisi pour cet album d’utiliser internet à plein régime. En lançant une chanson à charge sur la publicité, sur un média intrinsèquement participatif, il est probable que le groupe ait voulu faire un appel du pied aux internautes, pour qu’ils s’emparent de la chanson.
Et cette stratégie semble fonctionner ! Indépendamment d’une audience encore faible, on voit d’ores et déjà fleurir un détournement de clip, compilant une série de publicités qui font aujourd’hui référence comme worst practices du greenwashing : Le Chat Machine, Toyota Prius, etc. En tant que communicants du digital, ce sont ces phénomènes qui nous intéressent : en lançant le morceau sur internet, le groupe a pu dépasser ses limites, faisant faire à des internautes ce qu’il n’aurait pu faire lui-même, ne serait-ce que pour des raisons de droits.
Que nous dit la chanson ? Rien de foncièrement nouveau sur le fond. Que beaucoup de grandes marques trompent les consommateurs sur leurs pratiques écologiques par des « slogans abusifs, plus blanc que blanc, plus vert que vert ». Fomentés par les « as, les Pinocchio du marketing », ces campagnes permettent à des marques parfois peu responsables de « dire pardon, soulager [leur] esprit » à moindre frais.
Un vocabulaire qui n’est pas sans rappeler les Prix Pinocchio du développement durable, organisés par l’ONG Les Amis de la Terre – France, qui désignent chaque année la campagne de communication la plus « abusive et trompeuse au regard de ses activités réelles », à travers la catégorie « plus vert que vert ». Rappelons par exemple qu’EDF fut épinglé en 2009 pour avoir mené une campagne « verte », plus coûteuse (10 millions d’euros) que l’ensemble de son budget R&D sur les énergies renouvelables (8,9 millions d’euros).
Mais Tryo pointe d’autres secteurs que les « classiques » du greenwashing (automobile, lessive, cosmétique, énergie, etc.). Affirmant que nous voulons tous aujourd’hui « du high tech à la maison, de la nouvelle technologie (…) du réseau pour nos portables, quatre barres tout le temps, et des amis toujours joignables », ils nous suggèrent très justement que l’industrie du numérique peut aussi se révéler très polluante, et ce malgré les promesses de dématérialisation.
Une réflexion qui fait écho à l’actualité puisque Greenpeace vient de sortir un rapport « How clean is your cloud ? » pour exiger des grandes multinationales du numérique (Apple mais aussi Microsoft ou Amazon) qu’elles utilisent des énergies propres pour alimenter leurs immenses datacenters.
Et qui résonne fortement avec la démarche de LIMITE, engagée depuis sa fondation dans une réflexion sur le « web responsable », dans sa dimension environnementale autant qu’éthique (universalité, accessibilité, neutralité, etc.).
Pour aller plus loin : l’intervention de Laurent Terrisse lors du colloque « Image(s) et environnement » de l’Université de Toulouse-Capitole