Depuis le début de cette année 2011, des actualités inouïes – au sens propre – ont, à plusieurs reprises, interrompu le cours normal des choses, produisant sur le public un effet de sidération qui a parasité les campagnes sur des sujets de société.
Révolutions arabes, Fukushima, DSK… ont rebattu les cartes (comme dirait notre ami et membre du Comité d’éthique LIMITE Alain Mergier qui utilise souvent la « méthode des cartes » pour décortiquer les logiques émergentes dans l’opinion publique) sur des sujets structurants, torpillant bien des certitudes d’experts et nombre de stratégies de communication grandioses, soudain rendues obsolètes.
A quoi peut bien être due cette accumulation d’« événements incroyables » justement cette année ? le hasard ? le destin ? l’approche de l’apocalypse ?
Une piste de début d’explication : lors de la première audience de DSK, vous vous souviendrez peut-être de cette pauvre journaliste de France Info qui, n’ayant pu entrer dans la salle d’audience, commentait en direct de l’autre côté de la porte, à New York, les tweets envoyés depuis la salle… qu’elle aurait aussi bien pu suivre, avec nous tous, à Paris.
Après Google, Youtube et autres App, Wikileaks, Facebook, Twitter ont atteint leur maturité fin 2010 et commencent à produire leurs effets mondialisés. Avec Wikileaks, on a vu les puissants (politiques ou économiques) de ce monde pris de court par l’hyper-vérité. Avec Facebook, les smartphones et leurs SMS ou MMS, ce sont des dictatures qui ont été neutralisées. Avec Twitter, ce sont les médias traditionnels qui sont définitivement dépossédés de leur fonction d’annonce des événements.
Chacun se trouve soudainement confronté à un flot d’informations « non médiatisées » (au sens de triées, choisies, analysées, recoupées, mises en perspectives) et mondialisées, c’est-à-dire largement américanisées. On avait eu un avant-goût de ce phénomène lors du tsunami asiatique de décembre 2005.
A l’ère pré-twittique, les Français auraient eu droit à une version des événements arabes réinterprétée au filtre du storytelling des services et agences de com qui arrosent – quand ils ne les possèdent pas – habituellement les médias pour le compte des régimes autoritaires et des groupes qui les corrompent.
Aujourd’hui, le storytelling de maman fonctionne de moins en moins et tend à laisser la place au « dialogue de la marque avec ses publics » comme le décrit Stéphane Rozès.
Autre conséquence de ces « média-tastrophes » globalisées, l’attention du public à nos campagnes, surtout si elles font appel à l’indignation, l’engagement, l’opinion, est pendant plusieurs jours beaucoup plus difficile à capter. Des tests sur des campagnes associatives menées au moment de Fukushima ou des remontées d’appels aux dons lors de l’affaire DSK ont confirmé les mauvaises performances de mémorisation ou de passage à l’action des publics habituellement réceptifs à ces causes.
Trois idées structurantes pour adapter nos stratégies de communication à cet environnement chahuté et en devenir :
1) Ne pas tout miser sur un coup ou sur une période mais concevoir des dispositifs de 10 à 15 jours.
2) Co-construire les campagnes avec le public en exploitant toutes les potentialités qu’offrent Internet et les réseaux sociaux.
3) Ne pas trop mettre en avant les experts, les sachants, les « influants », qui souffrent d’un déficit croissant de crédibilité du fait de leur incapacité à anticiper ces événements, et leur préférer le témoignage et l’opinion des anonymes, « experts » de notre quotidien mouvant.
Laurent Terrisse