Plus de 2200 fondations et fonds de dotation en 2010, soit une augmentation de 60% en l’espace d’une décennie : c’est ce que nous apprend la troisième étude de l’Observatoire de la Fondation de France. Les changements techniques intervenus au cours de ces dernières années et surtout la simplification des dispositifs ont permis cette forte augmentation. Les 700 fonds de dotation créés depuis la loi de modernisation de l’économie de 2008 amplifient encore ce phénomène.
Avec quelque cinq milliards d’euros dépensés, plus de 14 milliards d’actifs et environ 60 000 salariés en 2009, les fondations et fonds de dotations en France représentent donc un secteur en pleine évolution. Cependant, il reste assez faible au regard de nos voisins européens, sans parler des Etats-Unis, où la philanthropie s’enracine dans les traditions culturelles et économiques.
Ce retour sur une décennie de mécénat permet de mettre à jour quelques tendances :
- Une diversification des champs d’action : l’environnement, la recherche et l’enseignement progressent fortement.
- Les dépenses au service de la santé sont toujours les plus importantes (47%) mais en baisse au profit de l’action sociale (+12 points pour 32% des dépenses totales), faut-il y voir une conséquence de la crise ?
De même, ces évolutions nous interrogent sur les enjeux liés à la communication de ces fondations :
- La notion même d’intérêt général, au cœur de l’action mécénat, a besoin, comme le souhaite le futur haut conseil de la vie associative, d’être complètement redéfinie. Le désengagement progressif de l’Etat, conjugué à l’attente croissante des citoyens vis-à-vis de la responsabilité sociétale des plus riches et des entreprises, implique l’apparition d’un nouvel espace aux frontières encore floues, entre fundraising, communication corporate, marketing et philanthropie : qui décide de ce qui relève de l’intérêt général (donc de ce qui a droit à des déductions fiscales) ? Bercy, au risque de faire peser sur les philanthropes et autres testateurs l’insécurité juridique d’un arbitraire potentiellement redresseur a posteriori ?
- Le « syndrome Bill Gates » s’invite indubitablement dans le paysage français. Jusqu’à maintenant, l’engagement philanthropique des quelques milliers de Français « hyper-riches » respectait une tradition de discrétion, même lorsque c’était leur entreprise qui était mécène. Or, le devoir d’exemplarité, l’envie de prendre en main son projet philanthropique, ou encore le « retour sur image » pour l’entreprise mécène sont de plus en plus acceptés, voire célébrés en France.
- Enfin, la multiplication des fondations et des fonds de dotation a en 5 ans créé, depuis les lois Aillagon, un « millefeuille » législatif et fiscal qui risque de finir par dérouter les meilleures volontés et génère des situations de concurrence parfois contraires aux buts généreux poursuivis. Même si tout le potentiel philanthropique français est encore loin d’être atteint et si la quasi-totalité des fonds créés depuis 2008 a, par amateurisme ou naïveté, échoué à le mobiliser en investissant suffisamment dans les techniques qui ont fait le succès du fundraising outre-Atlantique (plus de 3000 cabinets spécialisés sur la seule côte est!), quelques cas français ont permis de lever des fonds non négligeables.
Ces quelques exemples démontrent que l’avenir appartient aux acteurs qui sauront professionnaliser leurs techniques de « capital campagnes » et atteindre la masse critique d’investissement (en honoraires, mais aussi en implication personnelle de leurs dirigeants) dans des stratégies de communication qui différencient leur projet et donnent envie à d’autres de les rejoindre.