Dernier épisode de notre périple sénégalais. Direction Koussanar, village situé à quelque 400km de Dakar. Après 6h de route, accompagnés par un membre du bureau de Max Havelaar France, nous arrivons à Koussanar, vaste plaine de près de 3000 km², accueillant 20 000 habitants.
Là-bas, nous sommes reçus par un groupement de producteurs de coton qui, depuis presque 20 ans, se sont lancés dans le défi du bio puis de l’équitable.
Retour en arrière. Milieu des années 90. Après avoir constaté l’impact négatif de la culture conventionnelle (pesticides, engrais, etc.) sur l’environnement, la qualité des terres et la santé des hommes et des animaux, des producteurs se sont progressivement convertis à la culture biologique du coton. Dans les années 2000, ils se portent candidats à la certification commerce équitable, ce dernier leur offrant de nouveaux débouchés et plus « d’empowerment » (prix minimum garanti, avances sur récoltes, primes au développement gérées collectivement sur les bénéfices de chaque récolte qui favorisent l’organisation démocratique entre producteurs face aux coopératives d’état, aux spéculateurs, etc).
Mais tout n’est pas rose au pays de l’or blanc.
Les coûts de certification élevés, les taux d’intérêts des banques extrêmement hauts conjugués à l’absence de fonds de roulement (l’achat au producteur n’est pas préfinancé et les recettes de la vente du coton reviennent aux agriculteurs après de longs délais), l’absence de maitrise du circuit commercial du produit (celui-ci n’est pas porté à la connaissance du producteur, qui n’a aucune idée des marges réalisées par les intermédiaires), les difficultés à écouler les stocks sur les marchés internationaux (le coton sénégalais est concurrencé de plein fouet par le coton asiatique, moins cher) et l’isolement de la région en ont poussés plus d’un à retourner au conventionnel et à se remettre entre les mains des spéculateurs qui leur proposent des prix alléchants en cette période de hausse des prix des matières premières agricoles mais les « tiendront » ensuite par l’endettement sur les prix des intrants et des engrais, à nouveau souvent chimiques, du fait de la fuite en avant pour la productivité.
Malgré toutes ces difficultés, l’entrée dans les procédures de certification équitable a eu, au dire de nos hôtes, un impact finalement positif sur l’organisation sociale de la population, du fait des exigences qui y sont liées : alphabétisation, émancipation des femmes, fonctionnement démocratique, renforcement et autonomisation de la communauté de producteurs face aux pouvoirs politiques et économiques, etc.
Certes, on sent encore que certains sujets, comme le travail des enfants, sont délicats, mais les avancées de ces dernières années sont indéniables.
En outre, la crise du coton a conduit les producteurs à diversifier leurs cultures : fonio, mil, sésame ou encore bissap sont aujourd’hui cultivés à Koussanar, leur assurant ainsi d’autres sources de revenus, moins liées aux tribulations des marchés internationaux.
Au final, que retiendrons-nous de cette visite ? Comme pour les programmes de Plan, que le développement se construit dans le temps et à force de persévérance et d’anticipation. Le même temps et la même persévérance qui nous ont permis de découvrir qu’au bout de ce long chemin jusqu’à Koussanar, il y avait l’illustration même de ce proverbe sénégalais : « celui qui veut du miel doit avoir le courage d’affronter les abeilles ».
Outre l’extrême compétence des porte-paroles de cette coopérative (par exemple, ils évaluent l’avancement de leurs objectifs par produits sur un excel que nous avons du coup pris pour modèle à l’agence ;-), nous retiendrons surtout la gentillesse de l’accueil qui nous a été réservé, le délicieux repas à base de mafé et thiep bou dien partagé avec nos hôtes et la baignade dans cette « piscine » de coton où nous nous serions tous volontiers laissés aller à une petite sieste bien confortable et régressive…