Kaolack – Keur-Madiabel – Saboya – Kaolack : une journée bien dense que l’équipe de Plan Kaolack (ville portuaire de 180 000 habitants située à 190 km au Sud-Est de Dakar) nous avait concoctée !
Pour résumer en quelques lignes le programme de nos pérégrinations au cœur de programmes de développement pilotés par l’association, ponctuées de salutations, solennités, explications argumentées : accueil au bureau de Plan Kaolack (ONG internationale de développement à travers le parrainage d’enfants, dont LIMITE accompagne le bureau français), puis départ pour la commune de Keur-Madiabel (rencontre avec les autorités locales, scolarisation d’enfants sourds-muets, lycée, poste de santé) puis 1h30 de route vers la commune rurale de Saboya, à proximité de la frontière avec la Gambie (arboriculture, groupe scolaire, château d’eau…), enfin retour à Koalack et dîner avec les équipes de Plan à la nuit tombée.
Rassurez-vous, l’idée n’est pas ici de raconter par le menu nos expériences, mais plutôt de livrer un tableau impressionniste de ce que nous avons perçu du développement. Puisque deux d’entre nous avaient, 6 ans plus tôt, fait le même périple, nous avions matière à comparer.
Alors 6 ans plus tard, quoi de neuf sous le soleil ?
Les programmes lancés pour certains il y a une quinzaine d’années arrivent à maturité, au point que Plan envisage à court terme de se retirer de certains d’entre eux. Autre constat : là où il y a 6 ans on parlait prise en charge des besoins primaires (subsistance, fondamentaux d’hygiène et de santé…), on évoque aujourd’hui éradication du paludisme, parcours universitaires, commercialisation des cultures maraîchères… Il y a aussi désormais des projets plus « spécialisés », comme cette classe pour enfants malentendants, alors que voilà quelques années, l’enjeu était de convaincre les familles d’envoyer leurs enfants à l’école. Ce qui fut également frappant, c’est cette plus large autodétermination des populations, au premier rang desquelles, les femmes (une conquête de leadership qu’on retrouvera d’ailleurs au Forum Social Mondial…).
Sommes-nous angéliquement optimistes ? Il est clair que beaucoup reste à faire, que la précarité est encore grande et les équilibres fragiles… les personnes que nous avons rencontrées ne se privent d’ailleurs pas de le dire… aux ONG !
Ce qui n’enlève rien à la force de l’approche globale et intégrée qui est au fondement du développement : pas d’exercice des droits sans éducation, pas d’accès à l’éducation sans prise en charge des besoins structurels (eau, santé, etc.), pas de conquête de l’autonomie sans logiques collectives… un cercle vertueux exigeant, mais gage de durabilité.
La durée justement. On mesure sur place combien le développement requiert (de la part des communautés bénéficiaires comme des ONG) de patience, de persévérance et de capacité à se projeter loin dans l’avenir alors même que les difficultés du présent appellent l’urgence.
Un exemple : la première de nos haltes à Saboya fut au cœur d’un verger de manguiers, un havre de fraîcheur et de calme… qui semblait comme couler de source. Ce projet a mis 10 ans pour aboutir. Il a fallu changer les habitudes et faire évoluer les mentalités (convaincre les agriculteurs, totalement dépendants de la monoculture de l’arachide, des vertus de la diversification des productions agricoles), dépasser les échecs (une mauvaise saison…), renforcer l’esprit communautaire (redonner une place première au travail collectif), rassurer (les paysans quant à la prise de risque face aux enjeux de subsistance, les autorités locales quant à la stabilité des équilibres coutumiers)…
Je terminerai avec un de ces télescopages qui battent en brèche avec bonheur nos représentations : ce festival de sonneries de téléphones portables plus fun les unes que les autres, du maire de la banlieue de Kaolack au paysan sous son manguier à 1h00 de piste de la première bourgade…