Que se passe-t-il quand Lady Gaga annonce sa mort sur Facebook ? Son « sacrifice digital » est plébiscité par quelques 50,557 personnes. Pour défendre la lutte contre le Sida, de nombreuses stars américaines ont ainsi décidé d’arrêter toute utilisation des réseaux sociaux. Pas de nouvelles de la célèbre Gaga avant que ses fans aient « racheté » sa vie, en faisant un don à l’association qui lance la campagne, Keep A Child Alive.
Comment traduire dans l’univers virtuel la mort physique ? Nous le savions depuis un certain temps, les réseaux sociaux rencontrent le problème de la mort de leurs membres. Surfant sur cette thématique, l’association de lutte contre le Sida KCA a mobilisé de nombreuses stars qui ont promis de ne pas faire usage de leurs avatars avant que la somme d’un million de dollars ne soit récoltée. La grève du statut Facebook.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=ylmmkQWd22s[/youtube]
> Star 2.0 : l’ava(s)tar qui s’engage ?
Cette campagne est menée uniquement sur Internet, et repose sur l’utilisation des avatars de personnalités. Leur existence sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter), leur image virtuelle, est instrumentalisée. Plus qu’une simple compagne virale, ce sont ces avatars en tant que tels qui sont mis en scène. Voici venu le temps des « avastars », aussi connus que leur pendant « dans la vraie vie »* ?
Pourquoi alors parler de « sacrifice » ? Parce que de réelles communautés existent autour des fan pages de Lady Gaga, Alicia Keys ou encore Justin Timberlake. Cet engagement fait donc sens pour les fans, qui suivent les personnalités notamment parce qu’ils peuvent ainsi voir leur pensées, suivre leur quotidien, et pourquoi pas même entrer en contact avec elles.
La logique d’engagement des stars repose donc sur le manque. Au lieu de partir sur le terrain en Afrique (comme Marion Cotillard) ou de faire une chanson avec ses amis du star system (on se souvient de We are the world), ces avastars sacrifient pour un temps leur présence digitale pour démontrer leur engagement.
> Le transfert de fans : si vous m’aimez, aimez ce que j’aime
A l’inverse de nombreuses compagnes non-profit, il s’agit dans un premier temps de mobiliser des fans de stars, et non de recruter directement des donateurs convaincus de l’importance d’une cause. L’appel des stars est clair : il faut « racheter leur vie ». Bien entendu, les internautes sont conscients de l’engagement que cache cette demande, et c’est en acceptant de jouer le jeu qu’ils font un don.
C’est donc sur un principe de « don / contre-don » que les fans en manque de news sont invités à acheter la dose d’informations dont il sont privés. Pour retrouver Lady Gaga ou Justin Timberlake dans son newsfeed, il faut donner. S’adresser aux fans de cette façon est d’autant plus pertinent que ce sont eux, par définition, qui sont prêts à dépenser de l’argent pour obtenir quelque chose de la part de leur artiste préféré -ce « quelque chose » n’étant plus depuis longtemps nécessairement un CD, voire même un fichier mp3.
Alors pourquoi ne pas démontrer son attachement à l’artiste en supportant la même cause que lui ? Surtout si en échange il est possible de retrouver un avastar loquace et d’une certaine façon, une reconnaissance par la star du soutien apporté par ses fans. Si vous aussi vous voulez sauver Mlle Keys, tapez « ALICIA » sur votre mobile et envoyez-le au 90999.
> Une mécanique de don centré sur l’individu connecté
Dans ce genre de campagnes, la frontière entre « fan » et « militant » devient ténue. Faire un geste pour son artiste préféré revient à faire un geste pour une cause. Les « ambassadeurs » jouent sur une dynamique de manque, mais qui s’appuit sur une relation personnalisée au potentiel donateur : il faut sauver l’avastar, et tout le monde peut le faire, en un clic -ou deux, allez.
Les actions proposées aux fans sont alors cohérentes avec les comportements des fans sur les réseaux sociaux : il est d’abord possible de suivre la voie de « stars suicidés » et sacrifier sa propre vie digitale (permettant la viralisation de la campagne). Une fois l’engagement pris d’arrêter tout tweet ou autre mise à jour de statut, votre avatar léthargique devient lui aussi un prétexte au don : vos amis peuvent vous sauver de la mort numérique pour une somme que vous avez-vous même déterminée. Exercice difficile, et intéressante mécanique d’engagement qui mobilise non plus des fans de stars mais simplement vos amis : alors, à combien évaluez-vous la valeur de votre présence on-line ?
Autre possibilité pour donner, faire bien entendu un don pour sauver directement votre star préférée. Dans les deux cas, un simple sms permet de donner 5 ou 10 dollars pour (nous sommes aux Etats-Unis, le fundraising est courant sur les téléphones mobiles).
Le bilan ? En six jours de campagne, le site affiche près de 300 000 de dollars de dons et plus de 3 500 sacrifices virtuels. Dès lors, difficile de parler de l’inutilité du slacktivism..
[UPDATE 07/12] En moins d’une semaine, voici le cercueil plein de plus d’1 million de dons. Une belle réussite! On aimerait savoir quels ont été les investissements initiaux, voir même comment les stars auraient pu monétiser autrement ce « temps de twitts disponible »…
Nicolas Danet
(Twitter : @NTenad)
———
*Virtuel vs. Actantiel : le virtuel, tout comme l’actantiel (la « vraie vie ») sont tout autant réels. La preuve ? 183 millions de dollars.
Je trouve la démarche ludique et pas si mal pensée… Mais je préfère de loin les personnalités qui vont sur le terrain, comme Angélina ou Marion, citée dans l’article. Disons que cette « campagne » est plus symbolique que véritablement dévouée à la lutte contre le virus du SIDA, selon moi….