Toujours à l’affût de données sur l’application du syndrome de Spider Man à la publicité (« With great power come great responsibility »), on a relu « Publicité et psychologie » sorti fin 2009 aux Editions In Press sous la direction de Nathalie Blanc et Julien Vidal (département de psychologie de l’Université de Montpellier 3).
Partant de la désormais célèbre citation de Patrick Lelay (« Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible« ), le bouquin tente de répondre à des questions clés de la communication responsable – la publicité oriente-t-elle notre pensée ? nous conditionne-t-elle ? quels stéréotypes véhicule-t-elle ? – et aborde des problématiques centrales du positionnement que nous avons et des discussions que l’on a régulièrement dans le cadre du Collectif des Publicitaires Eco Socio Innovants.
Car pour parler un peu de ce qui nous importe fondamentalement, à nous en tant que professionnels autant qu’à nos clients, nous savons bien qu’à travers la pub, c’est « la société qui se parle à elle-même » via les stéréotypes de l’époque, et que la pub a comme le disent les auteurs un pouvoir « écologique » en ce sens qu’elle fait partie intégrante de notre environnement social et cognitif : l »individu va traiter certains de ses éléments comme le message, la marque, ou encore le visuel présenté ».
Mais rappelons nous que dès 1908, Walter Dill Scott déclare que la publicité a pour « fonction première d’influencer les esprits humains« , qu’elle se veut donc efficace et rationnelle mais que son champ privilégié d’étude et d’action reste malgré tout l’inconscient, le désir et les pulsions. Les processus non conscients (ou automatiques) qui permettent à la publicité d’influencer le comportement des individus ne sont d’ailleurs pas à démontrer (voir les travaux de Brunel, Tietje & Greenwald, 2004 ; Courbet, 2003, Pêtre, 2005, Trendel & Warlop, 2005, Zaltman, 2003) mais plutôt à appréhender de manière éthique et responsable. L’acte d’achat, ou pour nous bien souvent plutôt le changement de comportement, le passage à l’action ou le don, devant être obtenus de façon équilibrée, juste et non discriminatoire. C’est le sens des 4 piliers et 3 principes de la « copie stratégie responsable » que nous avons proposé.
Le 1er niveau de cette responsabilité est en effet le message, et non pas l’éco-conception de la campagne (trop facile), car le livre le rappelle s’il en était besoin : « la communication publicitaire est un lieu privilégié de circulation des représentations sociales » (Defrance, 2004) et qu’elle participe donc activement à leur élaboration, à leur évolution ou à leur pérennisation. Ces « croyances non négociables » (Moscovici, 1993) – les stéréotypes – sont parfois convoqués (la ménagère de moins de 50 ans ?) pour être ré-ancrés ou « retournés » (disruption ?) mais ils forment bien souvent le coeur des campagnes car ils sont « un raccourci cognitif socialement partagé » et permettent la connivence. L’autre élément clé de l’influence psychologique de la pub, c’est l’utilisation de l’humour et son efficacité en terme d’influence. Là aussi la littérature psychologique et sociologique ne manque pas et elle démontre que les publicités humoristiques sont mieux perçues que les publicités qui ne le sont pas, et qu’elles poussent l’individu à explorer plus rigoureusement l’argumentaire publicitaire, mais le second point acquis c’est que les effets varient en fonction du « besoin d’humour » des individus : l’usage de jokes en pub fonctionne mieux sur les personnes « à faible besoin de cognition » (n’aspirant pas à être convaincus rationnellement par une argumentation) que sur les autres.
Dernier niveau, les auteurs abordent le Saint Graal des publicitaires et de leurs clients : le conditionnement évaluatif (le « j’aime » ou le « j’aime pas » avant Facebook) fait référence au conditionnement des évaluations, des attitudes, des préférences et des goûts. Sur la base de Puto & Wells (1984), ils affirment que c’est bien la publicité qui fait appel aux sentiments (versus les faits objectifs) qui a le plus d’influence sur les attitudes à l’égard des produits représentés dans les campagnes. C’est ce qui pousse les agences à proposer des célébrités adulées comme « binôme » des marques car cela a été étudié comme entraînant des préférences produits particulièrement persistantes.
Alors que devons nous penser nous les publicitaires responsables qui tentons de faire appel à l’esprit critique et à l’intelligence des publics que nous visons dans nos campagnes ? Et bien que nous avons malgré tout raison, car les travaux démontrent également que rien n’est gagné ad vitam aeternam ! Les « ré-évaluations » sont en effet réguliers et ils se font souvent à l’occasion de crises ou de ré-étude de la proximité qu’on a pour une marque au regard de ses valeurs. Et quand une marque attire à soi les préférences d’une personne, elle peut perdre ce crédit rapidement en cas de comportement non responsable ou de contradiction manifeste entre son déclaratif et la réalité de ses actes. La responsabilité intrinsèque de la marque, et de sa communication, permettent de pallier à l’adage connu selon lequel « une réputation met des années à se faire et quelques secondes à se défaire » et d’éviter les « ré-évaluations négatives ». Une sortie par le haut est donc possible : les grands pouvoirs de la publicité servant au bout du compte à communiquer la responsabilité de la marque et la conscience aiguë qu’elle a de son influence, de constituer un repère pour le consommateur… ou le citoyen car c’est la même chose (« l’homme multidimensionnel »).
Et ce n’est pas le neuromarketing qu’il soit par TEP (tomographie par émission de positons), par IRMf (imagerie cérébrale fonctionnelle), par EEG (électroencéphalographie) ou encore par MEG (magnéto-encéphalographie) qui change quelque chose à ça. En effet, si ces techniques ont de beaux jours devant elles, c’est parce qu’elles viennent sophistiquer la visualisation et l’intégration de mécanismes déjà étudiés et démontrés par la psychologie et la psychosociologie. Il n’y a qu’à lire un bon exemple d’application au travers de l’article de Sciences Humaines sur la prévention santé via les neurosciences dans les campagnes gouvernementales (merci @Sauveur).
On a pas fini d’en reparler…
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