C’est pas si souvent qu’on lit un livre et qu’on se dit : il a raison, c’est ce qu’on essaye de faire et de dire aussi. Alors ça méritait bien un article non ? Surtout au moment des bonnes résolutions ? Le petit résumé qui suit ouvre des perspectives intéressantes au niveau stratégique et au niveau marketing durable pour les entreprises, avec les acteurs de la société civile ou non-marchande, en espérant que cela nous promette une année 2010 palpitante à la hauteur du programme des réjouissances défendu par John Grant dans « Le Manifeste du Marketing Vert »…
- L’auteur du Manifeste pour le Marketing Vert
La première chose, c’est que John Grant est l’un des cofondateurs de St Luke’s, une agence de publicité socialement responsable basée à Londres. Cette agence a travaillé pour Body Shop (avant L’Oréal), IKEA, Innocent, Lego, 02 et elle est avec Cone (Boston), Futerra dont nous avons interprété le Le guide du greenwashing et Clownfish une source de respect et d’inspiration pour LIMITE et le modèle d’agence que nous défendons. Sa constante recherche d’idées cheval-de-Troie et de solutions radicales, mais toujours gagnant-gagnant, a contribué aux succès de ses clients et à lui créer un véritable statut de gourou. Un des concepts clés de John Grant et de son manifeste pour le marketing vert, c’est la « vélocité éthique » c’est-à-dire la vitesse de transformation vers l’éthique et donc la priorité et les ressources qui y sont accordées de facto qui doivent primer. pas forcément le secteur d’activité (pétrole, automobile…), ou l’histoire de la marque (pollueuse ou pas). Comme exemples, Mac sur le green IT suite au 1er rapport de Greenpeace, ou McDonald’s en global sont pertinents.
Le modèle que John Grant défend est conçu pour éviter tout greenwashing (ou écoblanchiment), et au final pour esquisser un pas vers un marketing durable qui rompt avec les règles classiques du marketing. Son échelle d’action est simple et valable pour tous les secteurs d’activité et tous les champs de la consommation :
– éducation : le manque de connaissances est le premier facteur de mauvaises habitudes
– banalisation : faire paraître le vert normal, et non l’inverse
– généralisation : le g-commerce (pour green commerce) doit remplacer le commerce
– acculturation : passer de la contrition à la conviction, et de la conviction au plaisir (l’eau du robinet plutôt que l’eau en bouteille, mais dans une carafe avec une rondelle de citron…)
- Le Manifeste du Marketing Vert
Alors au détour des pages, on se reconnaît assez facilement quand on lit qu’il prône l’interdiction de la publicité pour le quartile le plus polluant de chaque secteur d’activité (les 4×4 pour l’automobile). Nous on avait pensé à une taxe Tobin publicitaire sur les annonceurs / produits polluants, qui alimenterait la création et la diffusion de campagnes citoyennes pour faire entendre le son de cloche inverse. Et quand il dit que le marketing vert demande de l’intégrité, on le rejoint là aussi complètement : une réputation prend des années à construire, quelques instants à se défaire et des siècles à reconstruire… nous sommes donc tous condamnés à l’intégrité, et au-delà de la réputation en final : « il n’y a plus de business à faire sur une planète morte, et/ou sans humains. »
Les recettes développées dans le livre, pour chaque stade (vert de base, vert soutenu et vert vif), sont bien pensées, humbles, efficaces, innovantes. Et à contrario John Grant explique bien comment le pire des péchés capitaux du greenwashing c’est la métonymie publicitaire, qui consiste à faire passer une action positive comme preuve d’une exemplarité globale. Le partenariat UNICEF / Pampers pour vacciner des enfants est un vrai cas d’école qu’il décortique sans complaisance : les couches jetables ne sont pas écologiques, Pampers a dépensé 10 fois plus en pub et en marketing que ce qui a été donné à l’UNICEF, ce qui est complètement asymétrique d’une part vis-à-vis de l’UNICEF dont l’image a été utilisée dans cette opération, et aussi par rapport aux moyens que Pampers devrait investir dans sa politique RSE, et donc au final une opération plutôt au détriment de l’UNICEF. Mais cette opération à permis 7 millions de vaccinations malgré tout pourra-t-on répondre…
Pour John Grant, « tout est dans l’idée » et le plus important c’est de co-produire les règles du jeu que l’on se fixe avec les ONG et de donner l’exemple en agissant. La communication ne fait alors que raconter comme s’opère le changement. Et là on ne peut qu’applaudir des deux mains tant c’est ce que nous essayons de faire a quotidien. C’est donc l’idée, le produit ou le service et la manière de le rendre aux usagers / clients qui sont déterminants. Et il n’y a qu’à se baisser pour en avoir des idées durables, de biens et de services durables, et c’est là le vrai manifeste pour le marketing vert :
- « des produits de substitution moins nocifs ou moins gaspilleurs, mais présentant aussi des avantages économiques (moins chers), ou culturels (meilleurs une fois adoptés)
- des nouveaux dispositifs qui suppriment des étapes polluantes (comme la distribution ou le transport), ou exploitent de nouvelles efficacités (réseaux)
- des idées qui prolongent l’usage ou la durée de vie des biens existants, ou qui réduisent le gaspillage (produits rechargeables, durables ou réparables)
- des produits moins nuisibles lorsqu’ils arrivent en fin de vie (recyclables, réutilisables)
- des idées reposant sur le partage, la mise en commun, le troc ou toute autre forme de coopération entre consommateurs, afin de réduire notre impact collectif
- des idées qui favorisent les prises de conscience culturelles
- des idées pour une plus grande responsabilité des entreprises quant au cycle de vie de leurs produits : louer plutôt que vendre, réutiliser et recycler pour supprimer les déchets
- des idées qui créent des précédents en matière de consommation (habitudes et préférences) sur lesquels pourront s’appuyer d’autres entreprises attachées à l’environnement
- des idées qui poussent à de nouvelles régulations dans une industrie donnée, ou sur un sujet dans son ensemble
- des idées pour satisfaire des besoins psychologiques sans produire de biens supplémentaires
- des idées pour entraver les perspectives des mauvaises organisations, par exemple des substituts ou des équivalents gratuits
- des idées qui affaiblissent le consumérisme, l’individualisme, l’égoïsme et les images usurpées
- des idées pour promouvoir le mieux-vivre, les valeurs collectives, le bonheur véritable
- des idées qui bien qu’en avance sur leur temps seront reprises ou imitées par des marques grand public
- des idées qui instaurent de nouveaux modèles économiques, voire de nouvelles formes de capitalisme
- Tout type d’idée qui m’aurait échappé mais qui permettent de remplir à la fois des objectifs commerciaux et verts / sociaux ! »
En revanche, pour les concevoir, les commercialiser et les faire connaître, cela passe d’abord et principalement par le fait de tordre le cou aux idées reçues des verdophobes pour qui si c’est écologique, équitable ou durable, c’est :
– rudimentaire, sale, grossier, malodorant, sans charme
– dépassé, en retard, anti-moderne/contemporain
– peu pratique et chronophage
– lié à un sacrifice ou à un bénéfice inférieur, voire inconfortable
– sans autre avantage que celui d’être vertueux
– bizarre et donc assimilé à des gens bizarres
– hégémonique et contraignant (disciplinaire)
– plus coûteux et moins efficace
Mais il y a des agences pour faire tout ça ne vous inquiétez pas…