Dans la série de notre feuilleton sur la confiance, enjeu des collectes de fin 2009, le rapport accablant de la Cour des Comptes sur la SPA qui est tombé aujourd’hui, et qui évoque un retrait de l’agrément d’utilité publique de la Société Protectrice des Animaux, nous renvoit à la question de savoir quel est le moral des donateurs et leur niveau de confiance avant la période cruciale de collecte de cette fin d’année 2009.
Dans un contexte d’exceptionnelle résistance des donateurs à la crise (certaines association parlent même de hausse record des dons des donateurs réguliers sur le 1er semestre 2009 avec +15 à +22% par rapport au 1er semestre 2008), il n’est pas certain que la nouvelle crise de la SPA ébranle la confiance générale des donateurs.
En effet, le pire n’est jamais certain, mais, en cas de doute des donateur, dans environnement de crise sociale et économique où prévisions et stratégie doivent être révisées jour après jour, mieux vaudra s’être préparés.
Surtout quand on sait que :
– Même si le fait de donner est un besoin, une composante de notre mode de vie, qui reste pour la moitié de nos concitoyens qui donnent, et le quart qui donne fidèlement, un acte de consommation très particulier qu’ils préserveront aussi longtemps que possible (conférence mars 2009 Alain Mergier devant l’Association Française des Fundraisers), les effets grand public de la crise sont encore devant nous et peuvent finir par susciter des attitudes de replis ;
– Même si les fundraisers français ont aujourd’hui acquis une maîtrise, certes peut-être moins fine que leurs confrères anglais ou américains (3000 cabinets rien que sur la Côte Est américaine !), mais suffisamment performante pour amortir les coûts croissants des recrutements de nouveaux donateurs (parfois jusqu’à 70 euros et souvent 50 dépensés pour 100 collectés) dans la fidélisation de leur « noyau dur » (étude Ifop avril 2009), ce sont les retraités qui depuis trois trimestres nous déclarent ne pas être sûrs de pouvoir demain à la fois soutenir leurs proches et les associations et fondations.
– Même si, contrairement aux idées reçues, il y a encore de la marge dans l’appel à la générosité du public (environ 200 000 papy-boomers sur 650 à 700 000 qui entrent dans l’âge de la retraite, donc du don décident de donner chaque année, des campagnes comme le « Je ne donne pas » de la Fondation de France leur parlant plus que les rhétoriques traditionnelles), les fonds privés des associations et fondations dépendent encore vitalement de ce noyau dur de donateurs, et les nouvelles formes de collectes ne trouvent que très progressivement des « business modèles » alternatifs : Care ou Unicef, etc ont raison d’aller chercher les mécènes entreprises, mais c’est du long terme étant donné le pallier actuel dans ce domaine (cf études Admical ou Care) ; la CRF ou Aides, parlent aux jeunes avec succès mais ce sont des potentiels pour plus tard, Pasteur ouvre de nouveaux champs avec ses prochaines Assises de la Fiducie philanthropique, la Fondation Abbé Pierre, Plan et Human Rights Watch avec Internet, mais n’oublions pas que ces nouvelles ressources représentent quelques % des budgets de la plupart de ces institutions.
Les associations et les fondations et le soutien qu’elles ont du public font partie des raisons d’espérer en l’avenir. Mais les fondements de la confiance dans ce tiers secteur ne doivent pas être considérés comme inaltérables. La confiance doit sans cesse être questionnée et refondée.
En cette rentrée de cœur de récession marquée par l’alternance de bonnes (moins de chômage, plus de croissance que prévu) et les mauvaises (explosion annoncée des licenciements et des conflits dans les pme, situation alarmante d’un nombre croissant de sdf et de personnes précarisées, effets économiques et moraux de la grippe médiatique H1N1, …), le débat de Conversations Esssentielles « que la confiance règle », mercredi 30 septembre arrive donc à point nommé pour aider médias et public à séparer le bon grain de l’ivraie et mettre en perspective des comportements isolés ou des situations qui n’ont rien de répréhensible malgré les premières apparences.
La SPA est une des causes les plus intéressantes que j’aie jamais eues à défendre. Je crois avoir arrêté de travailler pour cette cause avant les premiers remous, mais je n’en suis pas sûr. Depuis déjà de nombreuses années, nous savons presque tous que l’argent n’allait plus forcément en totalité à la cause animale…
Drôle de coïncidence ; à l’époque où j’ai (nous étions plusieurs, mais je ne parle que pour moi) eu à m’impliquer dans cette cause, c’était au plus profond de la crise provoquée par le scandale de l’ARC. Les dons étaient en chute libre pour l’ensemble des associations. Et les grèves générales de l’époque -Paris complètement à l’arrêt- n’ont pas aidé à provoquer et/ou acheminer les dons. Le public réagissait. Il était vivant, vivace.
Aujourd’hui, le rapport sur la SPA ne fait bondir personne. Plus de grève générale non plus, d’ailleurs.
Oui, évidemment, la crise… Oui, évidemment, le repli sur soi… Je suis d’accord avec l’ensemble de l’article. Je me permets également d’évoquer une autre cause qui pourrait faire chuter les dons, non pas d’un coup, mais doucement et pour longtemps : l’apathie. Les gens s’en foutent. J’ai l’impression qu’il faut aujourd’hui déployer des efforts incroyables pour lever un sourcil de donateur, là où il bondissait quelques années auparavant.
Nous sommes tous soûlés de drames, de rebondissements, d’avis contraires et divergents, quelles que soient les causes à défendre. On ne sait plus où sont les priorités et tout se relativise. Alors, on attend de voir.
Le danger n’est-il pas aussi là, que les donateurs relativisent, s’assoient et regardent le spectacle, plutôt que d’y participer ?