Dans le cadre de la série de grands débats “Controverses” de l’été sur France Culture, Pascal Lamy, Directeur de l’Organisation Militante du Commerce, face à Susan George, écrivaine altermondialiste et membre d’Attac, s’interroge sur la légitimité des grandes ONG comme WWF ou Oxfam (dispo à l’écoute ici)
Un nouveau signe que les associations vont de plus en plus avoir besoin de mieux en mieux communiquer sur leur stratégie, leurs résultats, leur gouvernance pour justifier et soutenir leur développement et leur fundraising, car elles commencent à faire l’objet d’attaques professionnelles et coordonnées de la part de ceux que leur légitimité dans l’opinion (voir le baromètre de la confiance de l’agence Edelman) gêne et rend nerveux : jetez un oeil au site de la Fondation Prométhéus, machine à contrer les associations créée par Areva, Thales, Dassault, Sanofi, etc, qui s’intéresse singulièrement aux ONG.
Après la tribune de Claude Allègre dans Libération annonçant la création d’une Fondation anti-écologiste (bien sûr appelée « pour la croissance écologiste » ou un truc comme ça), le Point du 30 juillet 2009 incite à contester la légitimité des ONG dans un dossier intitulé « ONG en eaux troubles ».
Dans le cadre d’une “investigation” à charge et à sens unique, à une question dont la formulation est empreinte d’une grande objectivité journalistique : « Quels moyens la communauté internationale pourrait-elle opposer à des organisations non élues et dont la force essentielle est de s’appuyer sur les médias ? », Hubert Védrine répond en laissant entendre que les attaques des ONG contre le nucléaire et sur les Droits de l’Homme en Afrique sont pilotées depuis les USA.
Ben voyons…
En fait j’ignorais que les défenseurs des Droits de l’Homme, ou ceux de la Planète, que j’ai la chance de croiser depuis 20 ans, dans le cadre de campagnes de mobilisation sans lesquelles Nelson Mandela serait encore en prison et les marées noires toujours impunies, renoncent à de bien plus fructueuses carrières et se font même en fait torturer pour servir les intérêts de puissances étrangères ! ces militants qui ont fait reculer et juger des dictateurs ou des pollueurs sont en réalité des naïfs qui n’ont aucune légitimité ?
Et donc le public, qui les soutient, et les médias, qui répondent à cette sympathie du public en se faisant écho de leurs campagnes, sont des ânes bâtés, des traitres inconscients ?
Et, pendant qu’on y est, les associations de malades du diabète qui mettent en cause l’industrie agro-alimentaire aussi, sont manipulées par des intérêts étrangers (lesquels ? les fabricants chinois de woks ?) ; et les défenseurs des victimes de l’amiante (interdite en France beaucoup plus tard que dans beaucoup de pays voisins) par les ennemis de notre secteur BTP ?
Il est intéressant de noter que les industriels du nucléaire et de la Défense, n’ont pas trouvé de ministre de droite pour attaquer les ONG en soutenant ce type de thèse. Comme Claude Allègre, Hubert Védrine est originaire de la gauche socialiste. Comme l’ancien ministre de l’Education nationale et grand chercheur, il est surtout un sachant, un expert convaincu de son pragmatisme et de son hyper-rationnalité : le peuple, lui, est irrationnel. Et les médias qui ne servent pas les pouvoirs qui, eux, sont forcément rationnels, mais servent le peuple, sont, de facto, démago.
Et si la rationalité était plutôt à chercher de l’autre côté que de celui des anciennes élites ? Et si elle se trouvait dans un vieil adage populaire tel que « c’est l’intention qui compte » ?
Car, en fin de compte, ce que le peuple reconnaît lorsqu’il accorde plus de confiance aux ONG qu’aux politiques, et encore plus qu’aux entreprises, n’est-ce pas le fait que, quand les ONG agissent, leur objectif est l’intérêt général ?
Védrine n’a jamais été de gauche, il faisait parti de l’entourage rapproché de la cagoule mittérandienne depuis son père Jean Védrine et a toujours défendu les théses les plus douteuses sur l’histoire des derniers génocides de la planète, si quelqu’un est pro atlantiste dans la salle, financé ou non, ne cherchez plus, en prononçant son nom vous avez trouvé.
Si on s’en tient aux 24 derniers mois, on pourra observer, non sans craintes, que l’accumulation des crises fait reculer les grands dirigeants de notre beau monde dans leur tanière, là à gauche, tout au fond du trou noir qu’est leur grotte, en haut de la montagne sacrée du capitalisme forcené.
Loin de moi l’idée d’être néo-marxiste, anti-capitaliste primaire ou au contraire fumeux UMPiste d’avant l’heure. Non, ces propos sont les miens, c’est à dire ceux d’un citoyen lambda, or de toute caste politisée, qui cherche à construire un monde bon, digne et équilibré.
Coup de poing dans le ventre avec les crises alimentaires, coup de massue sur les pieds avec la crise sociale et le chômage, coup de chaud avec la crise climatique qui démarre, et enfin coup de pied au cul avec une bien jolie crise financière qui grossit grâce à ses chères têtes blondes des médias de masse de l’ancien monde.
Bref, les grands patrons, managers, grands décideurs et joyeux politiques de l’ancien modèle sont servis : ils ont à leur table désormais quasiment toute l’assemblée des problèmes de ce monde. Chose aimable à leur endroit : personne n’a décidé de leur envoyer ces problèmes, puisque ce sont eux qui ont créés ce modèle industriel et totalement synthétique.
Mais, car il en faudra un, la société civile, elle qui est de l’autre côté, donc en dehors de la grotte, commence à occuper toute la scène publique. Avant, les décideurs sortaient tranquillement de leur tanière pour brailler leurs ordonnances. Désormais, les ONG occupent une place médiatique et mangent des parts de marché en terme de confiance, de lien social, d’empathie, de mode ( « ouh la la le Développement Durable ca plait aux gens, et nous on n’a pas un seul produit vert dans nos gammes… 🙁 » ), voire pire : les ONG vendent des produits !
Dans ce contexte marchand, où les ONG risquent encore de gagner des parts de marché -je ne fais pas de prospective, regardez juste comment évoluent les besoins de certains produits sains- quel sera le poids des associations si elles ne réagissent pas en prenant le train en marche et en se professionnalisant vite et mieux que leurs voisins marchands ?