Ca fait des années que je lis Marketing Magazine, jamais abonné mais toujours acheté en kiosque, car c’est le « Stratégies » ou le « CB News » du marketing, et nos métiers de la communication sont très proches du marketing. Mais depuis que je travaille quasi exclusivement pour le secteur non-marchand (associations, ONG, fondations, entreprises sociales, produits et services éthiques…), je le lis plus de la même façon pour 2 raisons.
La première, c’est que la dimension » marketing marketing » me fait plus rire comme avant : elle me paraît toujours aussi limitée mais maintenant plus insidieusement présente dans toute la société.. Dans le dernier numéro on apprend par exemple que « les acheteurs de café en dosettes… forment une clientèle forte consommatrice de presse », principalement des titres masculins, « parentaux », people, cuisine, automobile donc à priori principalement des hommes, qu’ils vont peu au cinéma, etc. Et donc ? On découvre également que c’est le football, les séries, le 20h de TF1, les émissions de variété et les films américains qui rassemblent le plus de téléspectacteurs, impressionnant… Les « cibles », ça écoute, ça consomme, ça s’étudie… En revanche, rien sur le secteur non-marchand ou le marketing social, la collecte de fonds ou les dons en ligne… Comme si cela n’était pas un secteur clé de l’économie, comme si le service aux autres, la solidarité et la générosité, l’épargne solidaire et la finance éthique, le microcrédit, le commerce équitable et les dons en nature et en argent ne représentaient pas une force économique et sociale déterminante…
La seconde chose qui me frappe, c’est la créativité incroyable qui est déployée par les marques commerciales et leurs agences, les budgets immenses qui sont dépensés pour… « exister » et draguer le chaland, etc. Et là je me dis : si on avait le tiers de la moitié du quart des budgets marketing marchands pour faire des opérations de marketing non-marketing éthique, durable ou social, ce serait vraiment génial… Parce que c’est vraiment pas la créativité qui manque dans le domaine caritatif ou grande cause, enfin pour ce qui concerne LIMITE c’est sûr. Et pour reprendre les trophées du marketing décernés cette année, je me demande si les mêmes opérations auraient été possibles si les annonceurs avaient été des ONG ou des associations et si les médias et les partenaires des opérations récompensées seraient capables d’adapter le prix de leurs prestations aux moyens du secteur non-marchand : la SNCF ouvre sa Gare de Lyon à Ikéa, Séphora ou Colette vont de la place à Coca-Cola ou CK One, Skyrock ouvre ses skyblogs à l’Armée de Terre… La seule campagne primée dans le domaine caritatif vient récompenser… Proximity BBDO agence dont la spécialité n’est pas du tout la communication responsable, et pour une campagne « normale » qui ne révolutionne en rien la notoriété et la collecte de fonds de la Fondation pour la Recherche Médicale qui est déjà par ailleurs bien assise du fait du travail de nombreuses autres agences et professionnels spécialistes du secteur non-marchand, ce depuis des années…
Pourtant je dois être honnête : dans la partie « Veille », « Tendance » et « Perspectives », il y a des papiers sur « les consommateurs en attente de vert » qui parle de l’étude Ethicity et d’Elisabeth Pastore-Reiss mais aussi et surtout de TNS Media Intelligence et d’Aegis Media Expert. On peut aussi lire l’article « le retour à l’éthique » (ah bon, on l’avait quittée ? qui ça ? des noms !) où là c’est Ipsos Marketing qui dévoile une étude commanditée par… Marketing Magazine sur 500 Français (wow l’échantillon) et qui « démontre » un « intérêt croissant » (la formulation c’est « je ne le fais pas mais j’envisage de faire… ») pour les « pratiques éthiques » suivantes qui se trouvent à plus de 30% d’intention : se renseigner sur le producteur (et le distributeur alors ?), calculer son empreinte carbone (gadget), s’engager dans une association, ne pas acheter certains produits et faire des dons
Enfin, tout ça pour poser une questions simple : Marketing Magazine est il le reflet symptomatique du désintérêt du marketing pour les questions éthiques, sociales et environnementales ? Où est-il le miroir grossissant d’une industrie et de pratiques qui se tiennent le plus loin possible de ces problématiques pour « sauver ce qui peut encore l’être » et attendre que les consommateurs réclament à plus de 50% dans leurs sondages que les marques s’intéressent à l’éthique et proposent des produits et des services « verts » sociaux et « clean ».
Alors ?
merci Fred pour ce passage qui aurait gagné à partir dans le lyrisme fou et débridé 🙂
revenons à nos morceaux de tofu grillés : heureusement que je n’ai jamais attendu les mainstreams et autres médias de masse pour élever mon niveau de conscience, réfléchir, agir, partager avec celles et ceux qui ont un minimum l’esprit ouvert à une conscience de soi et du vivant sur Terre.
Oui, c’est extrême, j’en conviens, aussi bien que les agro-chimiquiers comme Henk*l ou P*G sont eux-aussi des extremistes dans leur genre.
Finalement, oui, ils cherchent encore à sauver les meubles alors que la maison est sous 3 mètres d’eau. Inutile, absurde et limite kafkaïen pour ces industriels qui vivent dans un modèle que je considère comme « ancien » depuis plus de 20 ans.
Ne nous trompons pas d’ennemi cependant : les anciens industriels ne sont que la partie visible d’un iceberg. Je crois que la plus belle force dans notre secteur d’activité reste le citoyen, ce représentant invisible de la société civile qui saura faire bouger des montagnes en agissant avec sagesse et solidarité.
Là, je te rejoins tout à fait Fred. Le manque de valorisation des actions et des professionnels de notre secteur est paradoxal : comme toi, je trouve que le secteur démontre une certaine créativité, une rigueur, une justesse, etc.
Surtout, s’il est un secteur porteur de valeurs et de sens, c’est bien le nôtre, celui du non profit. Non ? Alors, oui, valorisons nos valeurs ! Tant pis pour ceux (et particulièrement les médias) qui ne l’ont pas encore compris.