C’est le titre d’un petit bouquin de la Collection Repères chez La Découverte qui traînait sur un étalage de la FNAC des Halles quand je suis allé acheter Dreamweaver pour Elodie qui vient de rejoindre l’agence pour travailler sur nos opérations web (bienvenue élodie). Je me suis dit, ça va me rappeler Science po et il y a aura peut-être quelque chose à en tirer pour nos stratégies digitales, pour évangéliser nos clients sur Facebook, Youtube ou Twitter ou pour ma culture perso… Et bah ni oui ni non en fait.
Outre qu’on y apprend que les réseaux sociaux sont des infrastructures qui permettent aux individus de se rencontrer ou de communiquer (définition qui tue non ? c’est celle de Bakis en 1993), on tombe de sa chaise en lisant que « les propriétés structurales des réseaux sociaux existent à l’échelon d’un sous-ensemble typique, dont la répétition forme la totalité du réseau » ! En clair, un réseau, c’est la répétition à l’infini de mini-réseaux formés de triades (3 individus), car les dyades disparaissent si un des deux membres disparaît alors qu’à partir de 3 c’est pas vrai (Georg Simmel dès 1950). La triade est considérée en sociologie comme la plus petite et la plus grande unité sociale pertinente, et donc la seule véritable unité pertinente. Dingue non ? La Trinité, la Trilogie(com), la méthode ternaire, le trépied… Le 3 comme chiffre matriciel de la stabilité…
Après ça se complique un peu (théorie des graphes de König), même si ça rappelle les graphs sociaux de type Facebook, mais on arrive vite au chapitre sur la sociabilité qui est un régal à transposer au web 2.0 et plus globalement. On y redécouvre (car tout le monde n’a pas une maîtrise de sociologie comme moi) que les réseaux sociaux sont le supports de 2 types d’actions complémentaires qui ne procèdent pas de la même logique et qu’on essaye pourtant de faire converger dans nos stratégies digitales en mobilisation autant qu’en collecte de fonds : les actions « expressives » comme l’affinité et l’amitié, et les actions « instrumentales », et là c’est plutôt de l’ordre de la solidarité et l’entraide. On pense ici à toutes les tentatives de viralisation solidaire qui capitalisent sur la sociabilité de Facebook, les pages personnelles de collecte (aiderdonner) sur Twitter, les flashs mobs, etc.
Le bouquin nous rappelle également qu’il y a d’autres pratiques de sociabilité (réceptions à domicile, sorties, bals / boites, cafés, pratique du sport…) et qu’elles ont des développements online, mais pas uniquement. Que la sociabilité est décroissante avec l’âge et donc que ce sont les jeunes les plus sociaux (pyramide des âges de Facebook, sur-représentation des djeun’s sur Messenger…). Ca permet aussi de se revoir démontrer ce qu’on sait intuitivement mais que les réacs nous feraient presque oublier : la sociabilité téléphonique ou électronique augmente d’environ 50% la sociabilité et les rencontres physiques, ça relativise le mythe d’un Internet de « no-lifes » et de solitaires atomisés.
Et là où c’est assez puissant, c’est quand on revient à Putnam et à la thèse qu’il développe dans Bowling Alone (« jouer au bowling tout seul ») : la sociabilité est un bien collectif et non pas individuel (cf. la course aux amis sur Facebook ne valorise pas celui qui en a le plus mais la globalité des gens connectés sur Facebook), et le déclin de ce qu’il appelle le « capital social » fait reculer la confiance, rend plus difficile l’action collective, affaiblit la démocratie et creuse les inégalités sociales. Ici on ne peut pas ne pas penser aux réseaux sociaux qui sont interdits dans beaucoup de pays, aux échanges « peer-to-peer » qu’on tente de filtrer et à l’individualisation du travail (autoentrepreneur) qui s’accompagne de la disparition des syndicats…
Pour la cerise sur le gâteau, je terminerais avec :
- la théorie de la « force des liens faibles » de Granovetter selon laquelle « les individus avec qui on est faiblement lié ont plus de chances d’évoluer dans des cercles différents et ont donc accès à des informations différentes de celles qu’on reçoit ». Traduction : c’est pas parce qu’on ne voit pas tous les jours quelqu’un ou qu’on est pas en contact direct avec tous les amis de son profil Facebook que c’est pas intéressant et utile d’être connecté, au contraire en fait… Car les réseaux sociaux denses sont des « cliques » fermées sur elles-mêmes, et d’ailleurs certaines technologies favorisent ces densités exclusives (le téléphone par exemple qui met en contact principalement les gens et leurs familles + amis très proches) mais ce ne sera peut-être plus aussi vrai avec le développement des applications sociales ou géolocalisées sur les mobiles
- la « théorie de l’équilibre structural » de Heider qui se fonde sur 4 propositions de comportements relationnels considérés comme rationnels et logiques : la première c’est que « les amis de mes amis sont mes amis », et les 3 autres en découlent directement « les ennemis de mes amis sont mes ennemis », « les amis de mes ennemis sont mes ennemis » et « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » => selon Heider il y a équilibre si l’une de ces 4 propositions est respectée
CQFD
ça donne vraiment envie de lire le bouquin, surtout si tu es à côté pour le décodage.
Bien sûr, mais c’est bong sang,
DU JARDIN A LA CONVIVIALITE
Un jardin, cela sort de soi-même, on y met ses goûts et ses couleurs ; on le bichonne pour le plaisir des yeux : l’attente d’une éclosion, du nez : l’accueil d’une fragrance, des doigts : la découverte d’une texture, de la peau : le frisson d’un frôlement, des oreilles : la surprise d’un pépiement, du palais : la dégustation des légumes auxquels on apporte ses soins attentifs.
Entrer dans un jardin, c’est entrer chez quelqu’un, c’est apercevoir un peu qui il est. Chaque jardin est différent de l’autre, mais tous portent la paix à ceux qui le visitent (et qui sont amenés à y intervenir pour l’entretenir, l’ausculter, le nettoyer, planter, semer, récolter). Chacun se ressource et se calme en retrouvant une utilité palpable et partageable.
Dans un jardin, l’imagination est sans arrêt sollicitée pour tirer de soi-même de nouvelles idées d’agencement, il y a création perpétuelle et renouvellement au gré des saisons et des années. Les connaissances nécessaires cessent d’être professionnelles . Il dépend de sa propre disponibilité et de sa volonté. Un jardin est à l’image de celui qui le fait.
En milieu rural de maintenant, les jardins tendent à disparaître au profit de carrés de légumes alignés qui ne sont tout au plus que des potagers dont la rentabilité alimentaire est proportionnelle à la chimie intensive utilisée. Un jardin n’est pas un rayon de supermarché standardisé en terre, il a une âme, celle de son créateur.
On apprend tous les jours l’humilité de ne jamais tout savoir, la nature est chose complexe qui échappe à qui veut la contraindre et tout superviser ou contrôler. Chaque jardin, à chaque moment, nécessite le conseil d’un voisin ou d’un visiteur, tant il y a de manières différentes de faire, les discussions animeront le repas du soir.
On se change « pour aller au jardin », avec un panier et quelques outils à main, on se porte à la rencontre des surprises du jour, fleurs écloses, légumes et fruits mûrs. Il faudra séparer les herbes sauvages qui enrichiront le compost de celles dont les qualités médicinales ou ornementales justifie leur présence au milieu du carré de salades.
On se met à table, un bouquet fraîchement cueilli l’égaye, les légumes récoltés mijotent, la viande du producteur voisin grille au feu, les carafes scintillent de leur reflet liquide. Entre deux mastications savoureuses, chacun présente son jardin intérieur, tous attentifs au bien être de tous, les éclats de rire et la tendresse partagée annoncent les rêves de la nuit.
Puis lorsque la nuit se pose sur les paupières sommeillantes, la fraîcheur nocturne d’un été permet de se livrer à une dernière promenade avant de se coucher : l’arrosage. Il faudra des jours et des nuits pour voir se lever les semences, puis se développer les plantes selon un rythme qui ne nous appartient pas mais nous rappelle au rythme paisible de notre évolution.
Pour que chacun puisse offrir le meilleur de lui et s’enrichir du meilleur des autres.
Christian Hivert Prunaret Avril 2004
Et j’ai tout compris, je file sur facebook
C’est « Elodie » comment ? C’est qui ?
Pour ma part, je rejoins Elizabeth.
J’ai hâte de lire ce livre.