La question a été posé par d’André Hochberg, Président de France Générosité, lors de la table ronde du 10 juin 2009 au Séminaire annuel de l’Association Française des Fundraisers. Voici ce que j’en ai dit alors :
Ce qui me semble à suivre de près n’est pas tant les fluctuations des bénéfices des collectes, que les changements de paradigmes que va provoquer cette crise qui marque le passage entre deux époques. Les révolutions n’arrivent jamais en début ou en milieu de crises, moment où les gens « font le dos rond », ce qui est le cas en ce moment et explique selon moi la bonne tenue des donateurs, mais en sortie de crise.
Je suis profondément convaincu que, comme le reste de l’univers, notre petit monde du fundraising va sortir profondément bouleversé de ce qui est en train de se passer : nouvelles représentations, nouvelles logiques d’engagements, nouveaux piliers de confiance, nouvelles pratiques, nouvelles modalités, technologies et nouveaux mécanismes de dons, et sans doute, nouveaux donateurs, nouvelles causes et nouveaux business models.
Contrairement à ceux qui disent « ne changez rien car rien ne change donc rien ne changera », je dis à mes clients : « préparons dès maintenant les changements qui nous emporteraient si on n’a pas commencé à changer ».
Avant tout, la crise que nous vivons marquant un changement d’époque, nous devons avoir constamment à l’esprit et à cœur, avant l’investissement professionnel, la souffrance de ceux qui vont pâtir de ces changements. Nous devons aller chercher les raisons de notre passion professionnelle dans le contact et la prise en considération des SDF, enfants abandonnés des pays du sud, malades et leur famille, etc. pour qui nous levons de l’argent et mobilisons des soutiens.
Mais je me démarque d’Eric lorsqu’il déplore la crise structurelle du fundraising et de la communication actuels des associations et fondations que recouvre la récession économique mondiale actuelle : il s’agit d’une révolution, que nous étions quelques-uns à attendre, et dont nous ne pouvons que nous réjouir si les solidarités en limitent les effets pour les plus faibles et si elle fait tomber des vieilles institutions qui bloquent le paysage de l’initiative privé d’intérêt général, en aidant les innovateurs à émerger.
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Et le soleil brillera pour tous,
Les sens contre l’Empire
La vie quotidienne a tendance à anesthésier nos perceptions, nos sentiments, nos humeurs, nos émotions, à refouler nos espoirs personnels, à les inféoder à des intérêts puissants et incompréhensibles directement.
L’être humain qui est pris dans une machinerie dont la finalité lui échappe ne peut qu’être malade, rogné dans sa dimension créatrice et utile.
En attendant les progrès prévisibles de la biotechnologie et des puces et intrants neurobiologiques, ce que « sait » l’être animal non transformé par la « science », c’est ce que « sait » tout être vivant : ses possibilités d’adaptation aux conditions du réel, aussi extrême et difficile soit-il, sont contenues dans ses gènes et utilisables.
Cela passe, pour ce qui concerne la chaîne animale, les découvertes les plus récentes y englobent les capacités sensitives du monde végétal, par une appropriation utilitaire, consciente pour l’être humain, et non-dénaturée des cinq sens.
De tous les sens, échangeurs d’informations et identificateurs.
Depuis les « expériences » nauséabondes issues des administrations de gestion carcérale, on connaît parfaitement les effets déstructurants de la privation sensorielle sur les détenus hautement surveillés : plus qu’inutiles, niés au plus profond d’eux-mêmes, ils deviennent fous, ils sont détruits.
Tout individu robotisé, aux sens déroutés, devra être re « programmé » dès que ses conditions de vie, d’expression et de production changent.
Si les cinq sens originels sont tellement corrodés qu’ils en finissent par disparaître au profit de sens d’apparat télé (vision)-guidés, l’individu n’existe plus.
Ce sont, pour autant que l’on puisse en être conscient, ces cinq sens naturels et profonds, issus de la lente maturation de l’évolution des espèces et fédérateurs de nos systèmes de survie, qui permettent l’adaptation nécessaire à notre existence dans ce milieu environnant et planétaire que nous modifions à grande vitesse.
Dans un espace naturel où l’on peut jeter le ressentiment devant ses sensations asphyxiées par la vie quotidienne, on rénove et décape ses instruments essentiels de découverte et d’adaptation, les sens à nouveau avertissent et alertent, ré alimentent, nous réapprennent à ne plus trembler de nos réactions, à tenir compte de nos états.
En gros, privés de nos sens, nous ne pourrions plus que suivre un troupeau consommateur de modes et de travaux privés de sens.
Quelle serait alors notre apparition individuelle au monde ?
Ce besoin vital de « sentir » l’utilité de sa propre personne prend tout son sens : nous existerions donc et nos sens enrichis enrichiraient la marche du monde.
Cette re-trouvaille sensorielle rétablirait un sens dans chacune de nos vies
Christian Hivert Prunaret , Février 2004