Nous sommes quelques-uns qui suivons l’évolution du mécénat de particuliers et d’entreprises dans notre pays depuis plus de 20 ans. En novembre 1987, j’avais contribué à l’organisation des « 1ères Assises du Mécénat Social et Humanitaire » au Sénat (Actes publiées par Matignon encore disponibles sous le titre « L’Argent et la Philanthropie: vers la transparence »), en présence d’Edouard Balladur, Philippe Séguin et de nombreuses personnalités ; Jacques Rigaud était en train de fonder l’Admical.
En 20 ans, sur les 16 propositions qui avaient été élaborées par les participants de ces Assises, toutes celles qui concernaient les entreprises ont été adoptées, en particulier avec les mesures Aillagon, puis les fondations de recherche scientifique, … Le résultat est l’extraordinaire développement du mécénat d’entreprises, surtout au cours des trois dernières années puisque les 2,5 milliards d’euros par an sont atteints.
La France dispose désormais de l’un des meilleurs – sinon le meilleur – dispositif fiscaux et réglementaires de mécénat du monde. Restait la question des mentalités et des comportements. La culture française empêcherait-elle fatalement le mécénat d’atteindre ici le niveau d’implication des entreprises américaines ?
Et bien non :
– Il y a 20 ans, contrairement aux patrons américains, qui donnaient leur propre fortune pour des oeuvres culturelles et sociales et laissaient leur entreprise s’investir dans des actions de mécénat communautaire, en France, le mécénat était le plus souvent la « danseuse du Patron », mais c’était l’entreprise qui payait, avec peu de participation des salariés.
– Il y a 20 ans, le mécénat était surtout culturel et on a attendu l’émergence des thématiques sociales jusqu’à la fin des années 1990, recherche jusqu’à 2003-2004, et environnementales jusqu’à récemment.
– Il y a 20 ans, le mécénat de compétence était une idée, mise en oeuvre par quels rares pionniers tels que IBM; depuis 2003-2004, à partir de quelques exemples forts comme celui du Groupe ACCOR avec l’ONG internationale PLAN que j’ai accompagnés, il est devenu un levier puissant des politiques de RSE (Responsabilité Sociale d’Entreprise).
– Il y a 20 ans, le mécénat était l’apanage de très grandes entreprises, même si, dans les petites entreprises, on en faisait souvent sans le savoir; en 2009, le mécénat est partie prenante de la stratégie commerciale, RH ou de communication externe de pratiquement une entreprise sur quatre, depuis les groupes cotés jusqu’aux PME.
Cette enquête Admical/CSA conduite en février 2009 avec la collaboration de notre Agence, LIMITE, sur les entreprises mécènes ou non en temps de crise, met en exergue de façon frappante une qualité structurante du mécénat qui pourrait bien être déterminante pour traverser la Crise et en sortir plus vite : son rôle stabilisateur, qui découle de son caractère durable et engageant.
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L’enquête ADMICAL/CSA avec LIMITE sur l’impact de la crise sur le mécénat (03/09) :
Le Mécénat, ancrage stratégique face à la crise.
Cette étude publiée à l’occasion des Assises du Mécénat confirme le rôle stabilisateur du mécénat pour la stratégie de communication et la réputation internes et externes des entreprises, à un moment où le « court-termisme » révèle ses dangers.
Les clivages réels entre entreprises mécènes et non mécènes démontrent ce rôle structurant du mécénat pour la stratégie globale de l’entreprise :
Principales différences entre mécènes et non mécènes : sur la question « Le mécénat est-il un luxe ? » : non pour 83% des mécènes et contre 48% chez les non mécènes (55% en moyenne). Le mécénat n’est cependant pas superflu pour les entreprises non mécènes principalement dans l’hypothèse où le mécénat est recentré sur des actions sociales et directement utiles (77% des entreprises non mécènes contre 63% des entreprises mécènes pensent que le mécénat doit être recentré autour d’actions sociales et directement utiles. Même tendance sur la question du recentrage des entreprises sur leur activité : seuls 17% pensent que « le développement social et culturel n’est pas de leur responsabilité », contre 46% chez les non mécènes.
Autre clivage : une majorité des entreprises (53%), mécènes ou non, s’entendent sur l’importance du mécénat dans le contexte économique actuel. Mais 42% considèrent le mécénat comme secondaire et seuls 3% comme prioritaire.
=> 53% des entreprises, mécènes ou non, pensent que le mécénat est important
=> 68% des entreprises mécènes pensent que le mécénat est important et 6% qu’il est prioritaire.
=> 49% des entreprises non mécènes pensent que le mécénat est important et 2% qu’il est prioritaire
Des tendances de fond y sont confirmées : rôle stratégique, montée de la solidarité et de la recherche et croissance du mécénat de compétence, importance pour fédérer l’interne et l’externe, légitimité de communiquer son mécénat. En revanche, certains signes de fragilité montrent, comme dans tous les autres domaines, que ces acquis peuvent être remis en cause lorsque le contexte oblige l’entreprise à se concentrer sur sa survie (le mécénat n’est pas un luxe mais il n’est pas prioritaire).
Communiqué de l’Admical et étude complète
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Méthodologie de l’étude : L’étude a été réalisée par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 300 responsables d’entreprises (DG, DGA, DA, DAF, DirCom,…) de 100 salariés et plus, sur le lieu de travail des personnes interrogées, du 6 au 12 février 2009. Le fichier des entreprises incluait notamment un fichier d’entreprises mécènes issues du répertoire du mécénat édité par Admical afin de consolider les résultats sur les entreprises mécènes.
Les résultats sont fournis sur la base des quotas représentatifs suivants: secteur d’activité et taille de l’entreprise, ainsi que sur le taux de pénétration du mécénat sur notre cible soit 23% des entreprises.
Merci pour cette enquête et ce compte rendu plus que complet.
J’ai trouvé fort à propos la formule « le mécénat n’est pas un luxe mais il n’est pas prioritaire ». Malgré tout, même dans la crise qui secoue le paysage économique mondiale je pense que les entreprises mécènes se serrent les coudes et continuent à s’investir dans le mécénat jusqu’à ce que leur situation économique ne le permette vraiment plus. C’est une jolie surprise et je pense que cela prouve l’engagement global des entreprises.